Via Regia

Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe

« La voie sur laquelle l’Europe s’engage bien »

La route VIA REGIA est la plus longue et la plus ancienne liaison routière terrestre entre l’Est et l’Ouest de l’Europe. Elle traverse l’Espagne, la France, l’Allemagne, la Pologne et mène jusqu’en Ukraine et en Lituanie. Elle relie les lieux situés entre Saint-Jacques de Compostelle, Bordeaux, Tours, Paris, Reims, Metz, Saarbrücken, Mayence, Francfort-sur-le-Main, Erfurt, Leipzig, Görlitz, Wroclaw, Krakow, Vilnius, Lviv et Kiev. On peut prouver que, dès l’Age de Pierre, le couloir de la VIA REGIA correspondait à la région de passage privilégiée des peuples migrants, au sud de la calotte glaciaire et au nord de la zone de moyenne montagne. Et cet espace de circulation, connu désormais sous le nom d’A4 ou d’E40, n’a rien perdu de sa signification internationale spécifique jusqu’à nos jours.

Définitions anciennes et signification actuelle

L’expression „VIA REGIA“ a eu différentes significations au cours du temps.

A l’origine, il décrivait une condition légale de l’existence des routes médiévales. Dans le Saint Empire Romain Germanique, en des temps où le pouvoir royal était fort et qu’il pouvait véritablement assurer la défense des routes, il y avait des routes placées sous protection royale, qui portaient le nom de VIA REGIA. Avec le déclin du pouvoir royal central, à partir du XIVe siècle, on ne peut plus parler d’une VIA REGIA au sens juridique du terme car la législation liée aux chemins passa dans les mains de seigneurs féodaux.

Dans certaines régions européennes, VIA REGIA apparaît comme un nom de route – historique la plupart du temps – qui provient du statut originel d’une « route royale », et qui, occasionnellement, peut encore être trouvé sur des cartes actuelles.

De plus, le terme VIA REGIA est couramment utilisé comme métaphore, en particulier dans les domaines scientifique et politique, et signifie alors « voie royale » ou voie optimale de résolution de problèmes. En 2002, lors d’une conférence d’experts des élus des communes de Saxe, la formulation « VIA REGIA – Route Royale de l’Europe » fut employée de manière forte et attira l’attention sur la signification symbolique que cette route, la VIA REGIA, qui conduit d’Europe de l’Ouest en Europe de l’Est, pourrait avoir pour le processus d’intégration européenne.

VIA REGIA, c’est enfin le nom d’un réseau qui associe les différentes interprétations du terme. Ce réseau appelle VIA REGIA la plus longue et la plus ancienne liaison routière terrestre entre l’Est et l’Ouest dans son ensemble. Avec cette arrière-pensée, il pratique de nouvelles formes de travail commun et de coopération, et fut distingué, en 2005, comme « Grand Itinéraire Culturel du Conseil de l’Europe ».

Cette compréhension étendue de la VIA REGIA renoue avec le tronçon historique en Allemagne centrale, d’où provient son nom, et se poursuit vers l’Est et l’Ouest de l’Europe. Historiquement, il s’agit d’une combinaison de différents systèmes routiers, qui se sont égrenés de différentes manières à différentes époques, mais qui présentent une relative stabilité à grande échelle, sur lesquels, s’accomplirent, des siècles durant, les formes principales de l’échange Est-Ouest européen, et, enfin, qui sont liés à des événements déterminants dans l’histoire de l’Europe.

L’histoire d’une route européenne

Si on considère les mouvements de circulation à l’intérieur du continent, alors on doit reconnaître que les mouvements Est-Ouest (ainsi que Ouest-Est) furent, depuis longtemps, particulièrement importants pour le développement culturel et économique de l’Europe. C’est dans cet espace qui, en tant que « Corridor de circulation paneuropéen III », passe pour l’un des plus importants axes de circulation dans toute l’Europe, que de fréquents mouvements migratoires sont dits avoir eu lieu dès l’Age de Pierre. Pourquoi? Parce que cette voie était relativement simple à identifier – elle était au nord des moyennes montagnes et au sud de la calotte glaciaire. Il n’était autrefois cependant pas question de villes, de routes, de grand commerce ou de pèlerinage.

En ce qui concerne l’apparition d’une liaison routière réelle en direction de l’Est, l’époque romaine est déjà très importante. Vers l’an 0, il existait déjà des routes stables entre les villes actuelles de Bordeaux, Poitiers, Tours, Orléans, Paris, Reims, Metz, Sarrebruck, Kaiserslautern, jusque Mayence (Mainz), qui furent utilisées des siècles durant.

Cette première liaison routière fut aussi utilisée au temps du Royaume des Francs. Après la mort du roi des Francs, Clovis, son royaume fut partagé entre ses quatre fils. Quatre royaumes partiels apparurent, dont les capitales étaient les villes actuelles d’Orléans, Paris, Soissons et Reims. Ces villes étaient reliées entre elles par des routes datant de l’époque romaine. Au VIe siècle, depuis sa capitale, Soissons, Clotaire, avec l’alliance de son frère Théodebert, maître de Reims, conquit le Royaume de Thuringe. On peut facilement concevoir que les Francs utilisèrent les voies de circulation préexistantes pour leurs expéditions militaires, et qu’ensuite, comme de grande parties de l’Allemagne centrale demeurèrent des régions franques jusqu’au Xe siècle, ils stabilisèrent les liaisons routières en direction de l’Est.

Pour la période du VIIIe au Xe siècle, il existe beaucoup de rapports et de découvertes qui confortent, de plus, l’idée d’un échange entre le Royaume des Francs et les régions slaves. La liaison routière en direction de l’Est était protégée par des forts et des remparts, à des endroits où, plus tard, des villes apparurent souvent. La présence de marchands juifs, en particulier, dont on peut supposer qu’ils venaient de l’Espagne occupée par les Arabes, peut être prouvée jusque dans la région de Cracovie (Kraków).

Au Xe siècle, le prince Varègue Oleg transféra le siège de pouvoir de son royaume de Novgorod à Kiev. Par la suite, la nouvelle capitale de la Rus Kiévenne devint l’une des plus grandes et des plus riches villes d’Europe, et, à plusieurs égards, un centre d’échanges important entre l’Est et l’Ouest de l’Europe. Il existe de nombreuses preuves que des voyages de Kiev à Paris, et en sens inverse, et un échange intense de marchandises, eurent lieu. Sur le chemin continental, ces voyages et échanges conduisaient à travers les lieux qui marquent le cours de la VIA REGIA à l’Est.

Avec la chute de la Rus Kiévenne et la formation des principautés de Halicz et de Volhynsk, ainsi que la fondation de nouvelles villes dans la partie occidentale de l’Ukraine actuelle, les relations de circulation se consolidèrent et se stabilisèrent. Elles reliaient l’Est et l’Ouest de l’Europe en passant par la VIA REGIA d’Allemagne centrale.

Après que la Horde d’Or eut détruit Kiev en 1241, la ville fut longtemps vidée de sa population et perdit sa signification comme métropole européenne et comme but de voyage prisé pour plusieurs siècles. Toutefois, il faut rappeler que ce chemin, déjà riche de traditions, partait de Kiev, passait par les territoires de la Horde d’Or et menait dans l’Est lointain, d’où des produits de luxe convoités trouvaient leur chemin vers l’Ouest par l’axe de la VIA REGIA.

L’histoire de la route est ensuite lié à l’élévation de Cracovie au rang de capitale du Royaume de Pologne, au développement multiculturel des villes de Silésie et à la conquête de la Galicie par le roi polonais Kazimierz Wielki (Casimir le Grand). Dans la région frontalière de la basse plaine de Sandomierz, dans l’avant-pays des Carpates, à travers laquelle court la liaison routière européenne Ouest-Est depuis bien longtemps, les plus vieilles villes de l’avant-pays des Carpates se formèrent. Parmi elles, on peut citer : Rzeszów, Łancut, Przeworsk, Jarosław et Przemyśl.

Depuis le Moyen-Age, l’état du marché et le grand commerce avaient une signification déterminante pour la force vitale de l’Europe. Les lieux de marchés situés sur la VIA REGIA montrent, dans une certaine mesure, l’importance de cette route pour le développement européen. Cela concerne les lieux de marché médiévaux connus, comme Francfort-sur-le-Main, Erfurt, Naumburg ou bien Leipzig, mais se rapporte aussi avant tout aux places commerciales, comme, par exemple, les grands marchés de Verdun qui eurent lieu entre le VIIIe et le XIe siècle, où, en raison de bonnes relations avec l’Espagne des Maures, le plus grand marché aux esclaves d’Europe fut organisé, au IXe siècle – les « marchandises » de ce marché provenaient en grand partie des régions slaves ; ou encore les Foires de Champagne qui atteignirent leur apogée aux XIIe et XIIIe siècle, et pour lesquelles on peut prouver la participation de marchands venant de l’Est, ou bien les marchés annuels de Jarosław, en Pologne orientale, sur lequel, jusqu’au XVIe siècle, il fut fait commerce de la plus grande partie des épices orientales qui devaient ensuite atteindre l’Europe de l’Ouest par la voie continentale.

Au XVIIe et au début du XVIIIe siècle, dans de nombreuses régions d’Europe, des guerres dévastatrices menèrent au déclin général des villes, au recul du grand commerce et à la dégradation du système routier. De plus, au fil du temps apparurent d’autres centres de pouvoir d’importance européenne, tels Vienne, Berlin, Varsovie et Moscou. C’est vers ces villes que le développement de la circulation s’orienta, si bien que la VIA REGIA perdit sa signification dominante en tant que liaison terrestre Est-Ouest. Elle demeura, cependant, l’une des plus importantes routes européennes dans l’Est du continent. Au début du XIXe siècle, Napoléon fit construire la « Grande Route Impériale », qui reliait Paris à Mayence (Mainz) et qui était sans doute la route la plus moderne dans l’Europe d’autrefois. C’est à partir de cette route qu’il partit en direction de l’Est avec ses armées, mais aussi qu’il s’en retourna vers Paris, après la Bataille des Nations près de Leipzig.

Les suites du Congrès de Vienne et l’éclatement de l’Europe qui lui est lié, ainsi que l’invention du chemin de fer, rendirent la route VIA REGIA insignifiante au XIXe siècle.

Avec l’invention de l’automobile, la route dût satisfaire à de nouvelles exigences techniques, pour qu’elle puisse être empruntée par le nouveau véhicule. C’est à la fin des années 30 que commença l’aménagement d’une nouvelle VIA REGIA. Le début de la Seconde Guerre Mondiale limita la possibilité de travailler à l’aménagement de la route. Lorsque la construction fut finalement et définitivement suspendue en 1943, le tronçon en Allemagne était terminé, à l’exception de quelques ponts qui devaient être contournés, et il put être utilisé par les militaires.

A la suite de la Seconde Guerre Mondiale, le partage de l’Allemagne et de l’Europe divisa aussi la célèbre route, qui avait jusque-là relié l’Est et l’Ouest de l’Europe, en deux camps économiquement et politiquement séparés. On ne pouvait plus atteindre l’Europe dans son ensemble par cette voie. Dans l’histoire du continent, c’est au cours de ces décennies que la désignation Est-Ouest a acquis une toute nouvelle signification. La VIA REGIA tomba presque totalement dans l’oubli. Sa symbolique de bande de liaison entre les pays européens était taboue dans les pays de l’Est.

Du tracé à l’itinéraire culturel…

Ce tracé historique validé scientifiquement et organisé en réseau, représente l’itinéraire culturel Francs et Wisigoths sur le territoire français. Composé de structures associatives implantées dans des villes ou à proximité, il est organisé en étapes et a pour objet de permettre à ses adhérents (ou membres) signataires de la charte éthique des valeurs de la F.F.I.C.E., de se rencontrer, dialoguer, transmettre des connaissances, partager des données culturelles, touristiques, historiques et pratiques, réaliser des actions communes, etc., dans le respect de cette charte. Il possède des connexions avec d’autres réseaux européens par l’intermédiaire de la F.F.I.C.E.

Le symbole de la réunification européenne

Après plus de cinquante ans de partage de l’Europe, la chute du Rideau de Fer en 1989 et l’adhésion de la Pologne à l’Union Européenne en 2004 ont permis de renouveler la possibilité de se déplacer et de faire l’expérience de la VIA REGIA sur la totalité de son parcours européen. Dés lors, et se basant sur cette nouvelle donne, de nombreuses initiatives sont nées ; elles se sont fixées comme objectif la revitalisation de la VIA REGIA comme symbole du travail commun européen.

C’est ainsi qu’est né un réseau qui s’est vu remettre la mention de « Grand Itinéraire Culturel du Conseil de l’Europe » en 2006.

Aujourd’hui, le réseau porteur de l’Itinéraire Culturel du Conseil de l’Europe VIA REGIA, basé sur la libre participation et un fonctionnement multi-niveaux (local, régional, national, européen), compte plus de 160 partenaires coopérant de façon interdisciplinaire au développement de projets culturels, touristiques, environnementaux, éducatifs, de recherche et de développement territorial dans les pays traversées par la route historique. Ce réseau ne cesse de s’accroître et est ouvert à toutes les personnes, morales ou physiques, désireuses de mettre en avant et en lumière des projets de coopération visant à une meilleure connaissance de l’histoire européenne de cette route et des échanges dont elle a été le témoin et à une coopération renouvelée entre les régions et pays européens qu’elle traverse.

Via Regia – Europe, cultures et patrimoines
20 Avenue de Champagne
F-02400 Château-Thierry
www.via-regia.org